C’est presque une figure imposée dans les bonnes pratiques de content marketing : essaimer des « call to action » dans des contenus accessibles pour obtenir quelques informations (le plus souvent un e-mail). Ou même verrouiller l’accès à certains contenus (ce que nos amis Américains appellent le « gated content ») dans l’espoir de générer un plus grand nombre de leads. Une pratique amplifiée par le nombre de solutions aujourd’hui disponibles pour déclencher l’affichage de pop-in, bandeaux et autres sliders. 

Bref, le deal est devenu banal : « Je te donne 2 ou 3 contenus (quelques articles de type liste vite fagotés), et je te promets un contenu bien mieux léché en échange de tes coordonnées ».  Et tout le monde semble content : le contenu dans lequel on a investi plus de temps sert à quelque chose de tangible, et le nombre de leads générés s’accroît.

Alors pourquoi cette pratique est-elle désormais abandonnée par certains, au point même d’être affublée d’un nom, le « NoMQL movement » (NoMQL = No Marketing Qualified Leads), qui sent bon la contestation ?  C’est Drift, éditeur d’une solution de messagerie qui a donné le signal du départ il y a déjà plusieurs années en publiant sur son blog l’article « Pourquoi nous supprimons tous nos formulaires et rendons nos contenus accessibles ». Une initiative ensuite commentée et un brin théorisée (marketée ?) par ChiefMartec.

Un jeu de dupes

Le fond de l’argumentaire ? Le fameux deal (infos de contact contre contenu) est en fait un jeu de dupes

Une qualité des leads hasardeuse

En ne donnant à l’audience qu’un petit aperçu des contenus et en imposant un formulaire pour en apprendre plus, les chances sont grandes d’attraper des contacts qui n’ont en fait que peu (voire pas) d’intérêt pour le propos. Certes, la base de données grossit (vanity metric…), mais pour quelle transformation ensuite ?

Une audience plus ou moins satisfaite

C’est une évidence – nous l’avons tous vécu –, les contenus promis en échange d’un e-mail (ou plus) ne sont pas toujours à la hauteur (euphémisme). Les 50 pages sur « Les secrets des meilleures tactiques de vente » en comprennent 25 qui mettent en forme des citations d’influenceurs ou des chiffres d’études déjà vues. Et le reste est une synthèse des consensus ambiants. Résultat ? Vous êtes déçus. Et l’image de la marque qui a porté le contenu n’en sort pas grandie.

Le rôle du content marketing en question

Le mouvement « NoMQL » questionne aussi le rôle des contenus. Pourquoi demander à l’audience de s’enregistrer pour accéder à des contenus alors que ces contenus sont là pour lui permettre d’évaluer son intérêt pour le sujet proposé (et l’expertise qui s’en dégage) ? L’article initial de Drift observait que des sociétés telles que Slack ou Mailchimp donnent accès à tous leurs contenus et notamment ceux qui présentent des informations à forte valeur ajoutée.

« Adopter l’esprit NoMQL, c’est s’engager à capter des prospects non plus sur la base d’une promesse, mais de la valeur réelle des contenus. »

L’intérêt suscité par le mouvement NoMQL confirme que beaucoup de content marketers ont bien à l’esprit les limites de ces pratiques de génération de leads. Faut-il pour autant ouvrir les vannes et déverrouiller ces contenus demain matin ? Oui, si l’on est prêt à accepter toutes les conséquences de ce changement de perspective. Adopter l’esprit NoMQL, c’est s’engager à capter des prospects non plus sur la base d’une promesse, mais de la valeur réelle des contenus.

Le formulaire e-mail ne disparaîtra pas, mais sera proposé dans le contexte d’un contenu riche (sur le fond) et en libre accès. Avec, à la clé, moins de leads générés (probablement), mais des leads mieux qualifiés (sûrement). Cette bascule n’est pas anodine et suppose comme le souligne avec justesse Contently, de se pencher sérieusement sur le retargeting ou la mise en forme des formulaires.

Cela après avoir revu les objectifs de leads et l’ambition. Donc les moyens associée à la production de contenu.